On entend souvent dire que « les LLMs trouvent tout sur Internet ». Cette affirmation, à la fois fascinée et un peu magique, revient souvent dès qu’on parle d’intelligence artificielle générative. Mais comment ça marche, vraiment ? Essayons d’y voir plus clair.
Deux grandes phases : entraînement & recherche.
L’entraînement des modèles
Première étape cruciale : les LLMs (Large Language Models) sont entraînés sur des masses de textes issus du web, de livres, d’articles, de forums, etc. Cette base de données géante, renouvelée régulièrement, a deux rôles :
- Intégrer du contenu : connaissances, faits, références.
ps: calcul statistique sur l’utilisation des mots - Comprendre le langage : syntaxe, nuances, styles d’écriture.
C’est cette double compétence qui permet aux LLMs d’être à la fois précis et adaptables à des questions variées.
La recherche web en direct
Deuxième étape, de plus en plus cruciale : la recherche en temps réel. Ici, le LLM interroge le web pour compléter sa réponse avec des informations fraîches, pertinentes pour la question posée. C’est ce qui permet, par exemple, d’obtenir en quelques secondes une synthèse des derniers avis sur un produit ou des actualités récentes.
D’où viennent les données ? La guerre des bots et des indexeurs
Comment les données sont-elles récupérées pour entraîner les LLMs ? Les grandes sociétés de l’IA ont développé leurs propres bots d’indexation — AI2Bot, ClaudeBot, GPTBot, Bytespider, etc. Leur mission : parcourir le web, collecter des textes, les indexer puis les filtrer.
Le filtrage post-collecte : un passage obligé
Après la collecte, les données passent par un pipeline technique en plusieurs étapes :
Déduplication et nettoyage
Des algorithmes repèrent les doublons ; le code HTML et les métadonnées sont supprimés ; l’encodage est normalisé et des classificateurs identifient la langue.
Scoring qualité
Des critères automatiques évaluent la lisibilité (longueur des phrases, vocabulaire, structure), la détection de spam ou de texte généré, et la cohérence du contenu.
Le « désapprentissage » (unlearning)
Nouvelle étape potentielle : il existe des publications sur le fait de faire oublier les modèles , modifications du paramétrage, mais aucun des grands acteurs ne s’est encore prononcé sur le sujet.
Ce processus est encadré par des discussions et des accords sur les droits d’utilisation des données, entre éditeurs, plateformes et autorités, selon les règles propres à chaque pays.
Qui alimente ces recherches web ?
Mais l’autre révolution, c’est la capacité à interroger le web en direct pour répondre à une question. Pour l’utilisateur, c’est un confort inédit : plus besoin de comparer 15 fiches produits ou 8 avis consommateurs, il suffit d’un prompt, et le LLM synthétise tout ça pour vous en quelques secondes.
Du côté des marques, l’enjeu est énorme : être dans le top 4 des réponses proposées, c’est le nouveau Graal.
Chaque acteur de l’IA s’appuie sur son propre moteur :
- ChatGPT Search (OpenAI) : Utilise un système développé par OpenAI, s’appuyant sur l’index Bing, mais la couche de traitement (filtrage, synthèse, citations) reste bien celle d’OpenAI.
- Claude (Anthropic) : S’appuie désormais sur Brave Search comme source principale pour ses requêtes web en temps réel, confirmée par plusieurs analyses techniques et communiqués.
- Perplexity.ai : Dispose d’un index propriétaire pour la majorité de ses recherches, mais continue à agréger des signaux d’autres moteurs, notamment Bing.
- Google Gemini : Utilise directement l’index de Google Search (logique !).
Chaque acteur optimise ses requêtes, filtre et hiérarchise les résultats, ce qui change la nature des réponses selon le moteur.
Politique d’utilisation des données : Meta et consorts
Contrairement à ce qu’on imagine parfois, Meta (et d’autres acteurs majeurs) n’utilisent pas automatiquement toutes les données publiques du web pour entraîner leurs modèles. Leur politique dépend de la loi, du type de contenu et du consentement obtenu.
Un cadre juridique strict
- RGPD en Europe : exige un consentement explicite pour toute donnée personnelle, même publique.
- Droit d’auteur : les contenus protégés ne sont utilisables qu’avec un accord de licence (négociations en cours avec les éditeurs).
- Robots.txt et opt-out : les sites peuvent refuser l’indexation, et ce choix est de plus en plus respecté.
- Zonage géographique : par exemple, Meta exploite les données américaines mais exclut certains contenus européens pour ses modèles en Europe.
Données généralement exclues
- Données médicales sensibles et informations privées détectées automatiquement
- Contenus soumis à des licences restrictives ou protégés par un paywall
- Forums privés et espaces nécessitant une authentification
Au final, la collecte n’est jamais totale : la plupart des pays imposent des règles strictes qui protègent certains contenus. L’enjeu reste de trouver l’équilibre entre innovation technologique et respect des droits.
Sans oublier les limites et les risques des LLMs
Si les LLMs impressionnent par leur capacité à synthétiser l’information web, ils ne sont pas exempts de défauts. Deux problèmes majeurs méritent d’être soulignés.
Les hallucinations : quand l’IA invente
Les “hallucinations” désignent ces moments où un LLM génère des informations factuellement incorrectes, mais présentées avec assurance. Ce phénomène survient notamment quand le modèle “comble les trous” d’information manquante ou tire des conclusions hâtives à partir d’indices insuffisants.
Les biais : miroir déformant du web
Les LLMs héritent et amplifient les biais présents dans leurs sources d’entraînement et de recherche web. Surreprésentation des contenus dominants, reproduction des stéréotypes existants : l’IA reflète les déséquilibres du web plutôt qu’une vision objective du monde.
D’autres risques à surveiller
- Propagation de fake news : Les recherches en temps réel mal filtrées peuvent relayer ou amplifier des fausses informations, avec un effet viral.
- Impacts environnementaux : Le scraping massif du web et l’entraînement de modèles consomment beaucoup d’énergie, avec un impact écologique non négligeable.
Ces limitations rappellent l’importance de garder un œil critique sur les réponses des IA, aussi sophistiquées soient-elles.
En résumé :
Les LLMs exploitent effectivement énormément de ressources du web, mais tout cela repose sur une mécanique bien plus complexe qu’une simple « aspiration magique » de l’Internet. Collecte, filtrage, respect des règles, et stratégies de recherche web forment un écosystème mouvant, avec beaucoup d’humain derrière la machine.
Et pour finir, un mot sur le SEO :
On pourrait croire, face à la montée des IA, que le référencement naturel (SEO) est voué à disparaître. Il n’en est rien ! Au contraire, dans un monde où les LLMs puisent dans les meilleurs résultats web pour informer et construire leurs réponses, le SEO reste plus que jamais stratégique, il faut aussi être sélectionné comme source fiable par les IA. Cela implique :
- Des contenus structurés et bien documentés.
- Une actualisation régulière pour rester pertinent.
- Une optimisation pour les requêtes conversationnelles (questions/réponses).
Bref, l’intelligence artificielle transforme les règles du jeu… mais le jeu continue !
Ressources
Liste finale des sources pour ta bibliographie
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Kyle Wiggers, TechCrunch — Anthropic appears to be using Brave to power web search for its Claude chatbot (TechCrunch)
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Simon Willison’s Weblog — Anthropic Trust Center: Brave Search added as a subprocessor (19 mars 2025) (Simon Willison’s Weblog)
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Article « Claude Web Search Explained » (Profound) – preuve statistique de correspondance Brave/Claude (~86,7 %) (tryprofound.com)
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Financial Times / she‑velenko interview – Perplexity dispose d’un index propre, pas seulement Bing (Financial Times)
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PYMNTS / BBC legal claim – Conflits sur réutilisation non autorisée de contenus par Perplexity (PYMNTS.com)
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Wikipédia / Brave Search – Indépendance de l’index Brave depuis août 2023 (Wikipédia)